Elle voyait en lui « le seul endroit au monde où il lui était permis de se détendre vraiment ». Elizabeth II, qui considérait le Britannia comme sa maison, en avait supervisé l’aménagement elle-même avec l’aide du prince Philip au début des années 1950. Les époux avaient choisi de s’inspirer de leur résidence londonienne de l’époque, Clarence House, un hôtel particulier dont le décor reflétait à la fois leurs goûts personnels et l’exigence de simplicité de rigueur après-guerre. À bord, l’intérieur de leurs appartements était resté quasiment inchangé pendant plus de quarante ans.
L’équipage avait interdiction de courir ou de crier, les ordres étaient donnés au moyen de signaux afin de préserver la tranquillité de la souveraine et de ses proches. Dans les quartiers privés d’Elizabeth II et du prince Philip, les fenêtres donnant sur le pont étaient placées très en hauteur de manière à protéger l’intimité du couple. Elizabeth II prenait son petit-déjeuner tous les matins à 8 heures 30 précises dans le Sun Lounge lambrissé de bois clair – sa pièce favorite – avant de commencer sa journée de travail dans son petit salon-bureau aux couleurs pastel, en compagnie de son Secrétaire particulier. Déjeuner à 13 heures, tea à 17 heures et dîner à 20 heures… L’emploi du temps sur le Britannia était aussi routinier qu’au palais.
1,8 million de kilomètres et plus de 960 visites officielles
Entre 1953 et 1997, année où il a été désarmé pour raisons d’économie à la demande du gouvernement de Tony Blair, le yacht royal a parcouru plus de un million de milles nautiques (soit environ 1,8 million de kilomètres) et permis à la reine et à sa famille d’effectuer 696 visites officielles à l’étranger et 272 déplacements en Grande-Bretagne.
Dans ses Mémoires, Susan Crosland, l’épouse de l’ancien Secrétaire d’État aux Affaires étrangères et au Commonwealth Anthony Crosland, raconte la bonne humeur d’Elizabeth II un soir de 1977 où le navire se trouvait chahuté par les flots. La souveraine « a attrapé la poignée [de la porte coulissante de la salle à manger], elle a collé son dos à la porte et s’est laissé entraîner pendant que celle-ci se refermait doucement. “Wheeeee”, s’est-elle exclamée. Le Britannia s’agitait et tanguait. “Wheeeee”, s’est-elle exclamée de nouveau. Puis elle a réussi à se glisser par l’ouverture de la porte en lançant un rapide… “Bonsoir !”. »