Chaque début d’été, la reine quitte Londres, accompagnée de la Cour, pour visiter pendant cinq à six semaines l’Angleterre et ses comtés. Toujours heureuse de s’éloigner d’une capitale bruyante et sale, Elizabeth Ire adore ces longs voyages – appelés « progresses ». Un enthousiasme loin d’être partagé par son Grand Chambellan : pendant plusieurs mois, celui-ci doit en effet réfléchir au meilleur itinéraire (les routes empruntées doivent être sûres) et choisir les lieux où la souveraine séjournera.
Le sens du spectacle
Dès l’annonce de sa visite, c’est l’effervescence dans les villes et les villages. Chacun participe au nettoyage des rues, aide à la réfection des chaussées, à la consolidation des ponts. Les maisons se parent de décorations, toutes sortes de réjouissances sont prévues pour divertir la souveraine. En 1574, la cité de Bristol, qui voit les choses en grand, organise même la reconstitution d’une bataille navale opposant un navire anglais à un vaisseau turc.
Un défi logistique… et un gouffre financier
Pour les nobles du royaume chez qui Elizabeth Ire s’invite, la venue de la reine est à la fois un honneur… et un casse-tête logistique. Comment loger et nourrir convenablement 300 personnes et plus de 1 000 chevaux ? Même lorsque la souveraine et sa suite ne restent qu’une seule nuit, il faut parfois construire à la hâte de nouveaux logements, agrandir cuisines et écuries, commander poulets et bœufs par centaines dans les fermes avoisinantes. Les dépenses s’accumulent.
En 1602, pour les trois jours passés par la souveraine sur son domaine de Harefield, sir Thomas Egerton débourse ainsi l’équivalent de 9,5 millions d’euros et se retrouve au bord de la ruine. L’année précédente, le duc de Lincoln avait préféré fuir son manoir de Chelsea juste avant l’arrivée du cortège, prétextant ensuite un regrettable « malentendu sur les dates »… qui n’avait trompé personne.