Où le roi Charles III et la reine Camilla résident-ils pendant leur visite d’État ?
Son souvenir est là, comme accroché aux girandoles à figures de vestales, aux lustres à trente lumières, aux consoles en bois citron incrusté d’amarante portées par des jarrets de chevaux, aux damas de soie rouge, aux candélabres posés comme des danseuses sur des socles en marbre griotte. En 1803, Pauline, princesse Borghèse, la petite sœur de Napoléon Ier, jette son dévolu sur l’hôtel des ducs de Chârost, une élégante propriété de style XVIIIème située dans ce qui est alors l’ouest de Paris. Elle fait tendre ses murs, ses plafonds et ses alcôves de soie, de satin, de gourgouran, de taffetas, de velours galonné et de percale, les habille de jaune, d’orange, de précieux tourbillons de carmélite, de violet et de pistache. Dans les salons fleurissent des cheminées de marbre, des tapis de la Savonnerie, des bas-reliefs à l’antique et des bouquets de mobilier en bois rechampi blanc et or.
Là où se créent et s’entretiennent les liens entre la Grande-Bretagne et la France
L’impatience ardente et l’éclat désordonné de ses vingt-trois ans seront le creuset de la légende du palais Borghèse, cette vaste demeure « entre cour et jardin » devenue, après bien des soubresauts de l’Histoire, la résidence des ambassadeurs du Royaume-Uni. L’hôtel particulier est resté un lieu d’habitation, mais il est aussi un espace de travail où se créent et s’entretiennent au quotidien des liens entre la Grande-Bretagne et la France. Réceptions destinées à promouvoir l’industrie, la culture et les savoir-faire d’outre-Manche, conférences, expositions, sommets bilatéraux, rencontres entre grandes figures françaises et britanniques de la politique, de la science et des arts… Chaque année, plus de 10 000 invités franchissent sa monumentale porte cochère au double battant de chêne bleu nuit, surmontée des armoiries royales.
En 1990, Margaret Thatcher y apprend qu’elle vient de perdre le pouvoir
À l’intérieur, les splendeurs du décor d’origine ont peu à peu disparu au gré des rénovations successives. De Pauline ne subsistent qu’une petite collection de chaises Empire, de précieux bronzes, la psyché qui ornait autrefois son boudoir Rose ou encore le lit en bois doré ceint d’épaisses soieries et surmonté d’un aigle autrefois installé dans sa chambre à coucher. Mais une étrange magie demeure, celle d’un bâtiment où se sont écrites quelques-unes des pages les plus intenses de notre histoire récente dressé là, rue du Faubourg-Saint-Honoré, dans le quartier du pouvoir, à quelques dizaines de mètres seulement du palais de l’Élysée. Le 20 novembre 1990, c’est ici que le Premier ministre Margaret Thatcher, venue à Paris assister à une réunion de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, apprend, impuissante, l’effondrement de sa légende – un vote hostile des députés conservateurs qui la contraindra à quitter le 10 Downing Street deux jours plus tard.
Des combats ont lieu dans ses jardins pendant la Commune
Acquise en 1814 par le duc de Wellington (le vainqueur de Waterloo) pour la somme de 863 000 francs payable en plusieurs fois – une première, le siège des représentations diplomatiques étrangères étant en effet traditionnellement loué au gouvernement français–, la résidence n’a jamais cessé, en près de deux siècles, d’être le point d’ancrage immobile d’un monde en perpétuel bouillonnement. La résidence servira de refuge à ses voisins pendant la Révolution de 1848, des combats auront lieu dans ses jardins durant la Commune, en 1871. Le compositeur Hector Berlioz s’y marie en 1833, les parents de Winston Churchill en 1874.
Jeune mariée, Elizabeth II y séjourne en 1948
Après la reine Victoria, qui s’y rendra pour la première fois en août 1855, le roi Edward VII dormira dans le fameux lit à baldaquin de Pauline en 1903 et en 1907. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, l’ambassadeur Sir Alfred Duff Cooper et son épouse contribuent au renouveau de la vie artistique et mondaine parisienne en y conviant Jean Cocteau, Colette, André Malraux, Paul Éluard ou encore Louise de Vilmorin. La future Elizabeth II choisira, jeune mariée, d’y séjourner à son tour en 1948, à l’occasion de sa première visite officielle dans l’Hexagone au côté du prince Philip. Une nouvelle histoire, alors, commençait…