Quand Elizabeth II et le prince Philip ne voulaient pas emménager à Buckingham…
Février 1952. Elizabeth est reine depuis quelques jours et le duc d’Édimbourg n’en finit plus de mesurer les conséquences de l’avènement de son épouse. Il a déjà dû renoncer à sa carrière d’officier de Marine, le voilà maintenant prié de quitter leur résidence de Clarence House, la seule maison un peu à lui qu’il ait jamais eue, pour Buckingham, 775 pièces, 1 514 portes et 30 000 mètres carrés de planchers.
Moquette gris champignon et petits paliers clairs…
Philip tempête, argumente, il n’a aucun goût pour le marbre et les plafonds spectaculaires. L’un de ses conseillers se décide à en parler à la souveraine. « Ne serait-ce pas merveilleux, lui dit-il, si vous restiez habiter ici. Le palais serait un peu comme un bureau, il vous serait facile de vous y rendre tous les jours. »
Elizabeth, elle non plus, n’avait jamais eu de maison à elle avant Clarence House, et elle y est heureuse. Elle a décoré le petit hôtel particulier londonien aux façades blanches sans rien emprunter aux collections de mobilier de sa famille et a tout pensé avec Philip. Des petits paliers à murs clairs et moquette gris champignon jusqu’aux couleurs de son sitting-room personnel, dont un certain monsieur Hussey, une autorité de l’architecture domestique, a dit qu’il était comme « un petit matin de début septembre, lorsque le ciel est bleu pâle et sans nuage, le soleil encore voilé par une brume légère et l’herbe toute argentée de rosée. »
Des plaisirs domestiques simples
Les époux étaient mariés depuis peu et déjà parents d’un petit garçon, le prince Charles, âgé de sept mois, lorsqu’ils se sont installés là, en juin 1949. Leur fille, la princesse Anne, est née à Clarence House. Doté d’un sens pratique suraigu et grand amateur de gadgets, le duc d’Édimbourg a équipé son foyer des dernières nouveautés en matière d’électroménager, fait installer la télévision dans le living-room du personnel et des machines à laver dernier cri dans la buanderie. Il aime voir des fleurs dans chaque pièce, s’intéresse à tout ce qui touche de près ou de loin l’organisation de la maisonnée. Le bonheur, pour lui comme pour son épouse, est fait de plaisirs domestiques simples. Leur entourage parle de jeunes gens qui, lorsque leurs obligations ne les appellent pas au-dehors, « n’aiment rien tant que rester seuls, à lire ou à écouter la radio devant leur cheminée ».
Churchill va décider pour eux
Mais Elizabeth est maintenant reine, et la voilà tenue, et pour toujours, par ce que l’on attend d’elle. En février 1937, deux mois après l’accession au trône de son père, le roi George VI, ses parents, sa sœur et elle avaient déjà dû emménager à Buckingham à regrets. Le palais lui apparaît comme l’un de ces éternels retours auxquels le destin, parfois, vous oblige.
Le duc d’Édimbourg a beau dire et redire son incompréhension, le principal conseiller de son épouse, Alan Lascelles, ne veut rien entendre, et le Premier ministre Winston Churchill non plus. « En cas de doute, avait un jour recommandé George VI à sa fille, écoute tes conseillers, ils sont là pour ça. » Elizabeth finit par se ranger à leur avis. Buckingham est la résidence des rois de Grande-Bretagne depuis 1837, et le restera.
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